mercredi 19 février 2014

CASAMANCE: Comment l’Etat a mis le feu par l’étincelle du foncier ?

Le conflit armé en Casamance a été au menu du carrefour d’actualité
Casamance
au Cesti ce mercredi sur le thème « Conflits fonciers et la crise politique : aux origines d’un conflit armé ». L’étincelle de la spoliation foncière, allumée par l’Etat du Sénégal, la négation culturelle et la répression brutale pour étouffer la « fronde », ont été à la base de l’éclatement du conflit armé.  

Par Mamadou Lamine BA

« L’Etat du Sénégal, au nom de la loi sur le domaine national, a confisqué des terres des autochtones par les fonctionnaires, les maires, les administrateurs et les a affectés à des personnes étrangères de la région.  Ça a été une tournure particulière, notamment dans les zones littérales (Cap Skirring) et les périphéries de Ziguinchor  où la situation s’est  empirée », a expliqué Jean-Claude Marut.

« Les populations qui avaient l’habitude de gérer leurs terres, se sont mobilisées contre les pertes de leurs vergers, plantations et des palmeraies. Elles ont été choqué par la confiscation qui s’est faite sans concertation ni indemnisation des terres, donnés à des étrangers, au plus offrant, sur la base du clientélisme politique, de la corruption », a révélé le chercheur.  

« La perception péjorative de la tradition en Casamance, considérée comme archaïste par l’Etat du Sénégal, sa négation et la  répression brutale pour étouffer touts fronde interne qui sont  à l’origine du conflit armé en terre casamançaise », a, en substance justifié  le conférencier et chercheur au Centre National de Recherche Scientifique (Cnrs), à Paris.

Tout le monde, selon le conférencier, Chrétiens comme Musulmans, surtout, se sont opposés à la pratique. L’Etat a réprimé les protestataires. « Ce traitement brutal a été très mal vécu. Ça a renforcé ce sentiment de spoliation encouragé par l’administration. La répression a exacerbé  les populations locales qui se sont senties violées et menacées.

C’est la brutalité a mené à la mobilisation, par des pétitions, marches, puis à l’étape suivante : la violence par des destructions et incendies de bâtiments… Les départs vers Dakar se ralentissent et les jeunes reviennent au moment où de nombreux nordistes s’y rendent aussi pour des perspectives d’enrichissement avec l’encouragement de l’Etat », fait savoir Jean-Claude Marut.

Le Sénégal a voulu arracher la Casamance aux Casamançais

Pour l’Etat, le commerce, la mer, la terre vont rapporter des recettes fiscales, ce qui va accroître la tension. « Nous étions devenus des étrangers à la Casamance avec le soutien des autorités locales. Toutes nos plantations les revenaient. Ce qui n’est pas possible si nous nous rendons chez eux. Le Sénégal a voulu arracher la Casamance aux Casamançais ».

La réponse de l’Etat a été trop brutale face à la marche pacifique par des violences et des arrestations préventives en Casamance et à Dakar où des gens étaient soupçonnés. Les gendarmes ont tiré dans la foule sans armes à Ziguinchor. La liberté d’expression mise en cause. Les rescapés de cette violence vont se reconstituer dans les périphéries de la ville et vont mener les premiers combats.

De nouveaux risques existent

Aujourd’hui, ce qui s’était passé à Ziguinchor se répètent dans d’autres villes comme Bignona, Oussouye. Il y a le retour des déplacés qui avaient quitté à cause du conflit dans une centaine de village. Soixante mille (60.000) personnes qui vivaient le long de frontière de la Guinée Bissau. Mais, Les autorités sont plus prudentes en avançant avec beaucoup de précautions.

L’autre risque vient du fait que les gens qui vivaient dans un village comme Niassya, ont abandonné leurs terres pour se refugier à Ziguinchor. Les Bissau-guinéens sont venus, à leur tour, pour des raisons sécuritaires, s’installer dans ces villages et exploitent leurs terres. Le retour des déplacés, qui réclament leurs terres, est donc une autre source de conflit en gestation.

Dans la région de Ziguinchor, notamment dans le Cassa et le nord de Bignona, il existe des gisements de zircon. « L’Etat a cédé les droits d prospection à des canadiens. Si cette exploitation voit jour, c’est toute la zone côtière qui sera bouleversée dans le domaine environnemental. Déjà, des groupes de rebelles agitent la question et s’y opposent.

La déforestation en cours en Casamance : en basse Casamance, le tapis verdoyé  est en voie de disparition. Pour acheter la paix, l’Etat a laissé des ex rebelles exploiter la forêt de manière abusive même si « ça fait vivre les jeunes (dans les scieries) qui n’ont pas d’emplois », car « Il n y a pas de débouché pour les jeunes de la Casamance », déplore M. Marut.  


Pour lui, le conflit foncier, le choix politiques qui ont amené vers celui armé n’est pas éteint avec la non prise en compte de la dimension politique de la tradition en Casamance. « L’Etat a voulu instrumentaliser la capacité de la tradition locale pour l’appliquer à la résolution du conflit. Pour un conflit nationaliste, c’est une fausse route ». 

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